En 2010, que peut-on attendre de KoЯn ? Après son heure de gloire au travers de ses deux premiers albums au début des 2000’s, le groupe n’a cessé de décliner avec des disques de plus en plus contestables dès le départ de Head, soudainement devenu cul béni et bon dieusard… Ainsi, KoЯn a presque viré electro dancefloor avant de nous sortir un unplugged mou du genou suivi d’un "Untitled" descendu en flammes par la critique (moi, je ne l'ai pas trouvé si dégueulasse, en fin de compte…).
Après la sortie d'"Untitled" en 2007, les membres du groupe sont restés dans une sorte de hiatus pendant quelques mois avant de se lancer dans différents projets personnels (un disque solo "Alone I Play" pour Jonathan Davis, le groupe Fear And The Nervous System de Munky et la mise en place du projet StillWell par Fieldy). On ne s'attendait donc pas à une nouvelle réalisation avant des plombes.
Or, dès le mois d'août 2009, Jonathan Davis a annoncé la mise en chantier d'un neuvième album, "KoЯn III – Remember Who You Are" (chez Roadrunner Records) dont on aura le premier morceau "Are You Ready To Live ?" en téléchargement libre dès mai 2010 juste avant de pouvoir écouter partout sur la toile une version live d'un autre titre de l'album "Oildale (Leave Me Alone)" lors d'un show en Alaska.
Il n'en fallait pas moins pour que les children of KoЯn du monde entier ne se réveillent et s'affrontent dans des joutes verbales sur plein de forums pour donner leurs avis sur l'avenir de KoЯn.
Et dire que l'annonce / matraquage du sacro saint "retour aux sources" avec le dernier album en date est attendu au tournant par toute une horde de fans et de critiques, est un doux euphémisme…

C'est bien connu, le fan est un éternel insatisfait. Partagé entre le "c'ééétaaaait mieux ââââvant", le "moi, j'écoute plus depuis le deuxième album" ou le "tout est à chier, ils ont perdu la flamme", on pourrait disserter pendant des heures sur le retour aux sources véritable ou non de KoЯn…
Cependant, à un moment donné il faut aussi savoir prendre un disque comme il vient et avoir un peu de recul sur les choses. Ainsi, même avec toute la meilleure volonté du monde, il est évidemment clair que KoЯn ne peut pas revenir à ses sources et ce, pour de nombreuses raisons : le line up a changé, de l'eau a coulé sous les ponts depuis les débuts de la formation ricaine, Jonathan Davis a déjà fait face à tous ses démons depuis bien longtemps et KoЯn est trop connu pour pouvoir créer une véritable surprise et prendre à revers tout le monde du métal (même s'il a essayé quelques incartades musicales – ratées – après 2005). C'est comme si on demandait à AC/DC de refaire un autre "Let There Be Rock", à Metallica de sortir un nouveau "Masters Of Puppets" ou à Guns n' Roses de recréer un album aussi intense qu'"Appetite For Destruction". C'est impossible.
Et ça, KoЯn l'a bien compris. C'est pour ça, qu'il va s'adjoindre les services de l'excellent Ross Robinson qui avait déjà travaillé avec le groupe sur les deux premiers skeuds (d'où le titre de "III – Remember Who You Are") et tenter de retrouver une spontanéité et un côté brut de décoffrage jusque là mis de côté depuis quelques années.

En ce sens, on peut dire que KoЯn s'est donné les moyens d'y parvenir dans la mesure où le processus de composition a pris une tournure "à l'ancienne" puisque James "Munky" Shaffer, Reginald "Fieldy" Arvizu et Ray Luzier se sont mis à écrire, répéter et enregistrer les pré-prods dans le garage de Fieldy afin de revenir à des compositions plus primaires. Le groupe choisira 11 titres sur les 17 initialement composés pour ne pas se perdre en route et aller droit à l'essentiel.
De son côté, Jonathan Davis a abandonné son idée première de concept lyrics et s'est éloigné du travail de ses 3 compères pour se concentrer sur des textes plus spontanés qu'il écrira directement après avoir écouté les parties instrumentales enregistrées chez Ross Robinson. Une manière de donner un sentiment d'urgence à l'ensemble et rester proche de la dynamique du reste du groupe ("Pop A Pill", "Never Around").
De plus, Munky remettra au goût du jour d'anciens riffs issus de vieilles démos du groupe comme sur "The Past" et "Never Around" afin de verser encore plus dans les racines et donner une impression de légitimité plus poussée.
Enfin, ce bon vieux Ross a lui aussi plus d'un tour dans son sac. Ainsi, l'homme va mettre en boîte le tout sur un 24 pistes sans utiliser Pro Tools à la manière de ce qu'il avait fait sur les deux premiers albums de KoЯn et choisir de faire les prises dans de petits box pour donner une ambiance plus "vivante". C'est pourquoi le son de "KoЯn III – Remember Who You Are" va avoir le même rendu rugueux que celui d'antan...
Des manières détournées pour coller au mieux à l'esprit originel de KoЯn ? C'est bien possible, mais il faut avouer que ça marche plutôt bien.

En effet, dès l'opener "Oildale (Leave Me Alone)", il semblerait que KoЯn se soit recentrer sur son sujet avec un son plus gras, plus lourd comme au bon vieux temps. Peu de fioriture ici : on va droit à l'essentiel avec des rythmiques basse / batterie qui semble tout droit sorties de "Follow The Leader" (Ray Luzier est très bon même s'il n'arrive pas à nous faire oublier totalement David Silveria) et des riffs simples mais redoutables ("Are You Ready To Live ?").
Last but not least, Jonathan Davis va réaliser un sans faute en mettant toutes ses tripes dans ses lignes de chant écorchées comme à la belle époque ("Holding All These Lies") et nous démontrer par la même qu'il est un excellent chanteur. On sent qu'il a bien fait de ne pas se lancer dans le délire des textes à concept et de ne se concentrer que sur une écriture plus spontanée (même si on flirte avec le niais sur "Pop A Pill").
Certains trouverons que certains passages sont un peu trop poussifs (surjoués ?) pour mieux rentrer dans le sillage du "retour aux sources". Ils n'auront peut-être pas tort, mais force est de constater que KoЯn a tenu parole quand il a annoncé une musique plus basique et primaire afin de satisfaire les fans de la première heure.
Et même s'il y a comme un décalage quand Jonathan Davis chante son mal-être à presque 40 ans, on se laisse facilement prendre au jeu de ce KoЯn mouture 2010…
Cependant, "KoЯn III – Remember Who You Are" n'est pas exempt de tous reproches, dans la mesure où il manque parfois un petit quelque chose pour que les compositions soient véritablement abouties (le poussif "Move On" ou "Fear Is A Place To Live" pas tip top) même si KoЯn va nous sortir de derrière les fagots quelques perles comme "Oildale (Leave Me Alone)", "Let The Guilt Go", "Never Around" ou "Holding All These Lies".
Il est indéniable qu'on se trouve ici dans un mix entre "Life Is Peachy" et "Untouchables" même si l'album est parfois inégal, notamment dans se deuxième partie un peu plus molle du genou. C'est bien dommage…

Au final, "KoЯn III – Remember Who You Are" est un bon p'tit album pour KoЯn qui a réussi sa démarche de coller au plus près à ses racines. Même s'il est clair que Jonathan Davis et sa bande n'ont plus 20 ans et que KoЯn a connu pas mal d'évolutions au fil des ans, le groupe a su se (re)mettre dans le droit chemin grâce à une écriture plus spontanée et l'immense travail de Ross Robinson.
Inutile donc de tergiverser sur le pourquoi du comment, de chercher à savoir si cet album répond bien aux critères de ce qu'il aurait pu être s'il était sorti au début des 2000's, de se prendre la tête sur une soit-disant régression artistique ou que sais-je encore…
Prenons l'album comme il est et ne gâchons pas notre plaisir, pour une fois !
On est en 2010 et KoЯn a sorti un bon album qui colle parfaitement à ce qu'on pouvait attendre de lui plus de 15 ans après son premier disque. C'est déjà pas si mal…

Tracklist
1. Uber-time
2. Oildale (Leave Me Alone)
3. Pop A Pill
4. Fear Is A Place To Live
5. Move On
6. Lead The Parade
7. Let The Guilt Go
8. The Past
9. Never Around
10. Are You Ready To Live ?
11. Holding All These Lies